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Binette : quand la passion de la couture rencontre l’upcycling

Pénélope CHAPUIS, jeune entrepreneure et diplômée du master en Entrepreneuriat et Innovation de l’IÉSEG, a repris les rênes de Binette, une marque d’accessoires de mode éthique fondée en 2021. Passionnée par la couture et motivée par la lutte contre le gaspillage textile, elle a redéfini la mission de Binette pour l’aligner avec ses valeurs : durabilité, partage, impact positif… et nous partage son expérience. 

Pénélope CHAPUIS, dirigeante de Binette

Binette… en quelques mots ? 

Binette est une marque d’accessoires de mode, qui a été fondée en 2021 par une jeune entrepreneure, Alice BELLE, que j’ai eu l’occasion de rencontrer en 2023, lorsqu’elle cherchait quelqu’un pour reprendre sa marque. Elle avait créé Binette autour de l’envie d’aventure, des voyages, et surtout avec l’envie de créer des produits éthiques. À cette époque, j’étais encore étudiante et j’étais très intéressée par le secteur de l’Impact. A la fin de mes études, j’ai eu très envie d’entreprendre, tout en intégrant l’une de mes passions : la couture, et la cause pour laquelle je me bats, le gaspillage textile. Binette était l’opportunité parfaite pour me lancer dans l’entrepreneuriat en ayant déjà une base : une petite communauté sur les réseaux, une liste de contacts pour la newsletter, des patrons et des ateliers de fabrication… Si j’avais dû tout créer de zéro, cela aurait pris beaucoup plus de temps. J’ai donc racheté 100% des parts en février 2023, et en mars, je passais ma première commande de tissus que j’ai envoyée à l’atelier. Dès avril, j’avais reçu ma première production. Mais même avec cet avantage de départ, l’entrepreneuriat, ce n’est pas simple ! 

Comment t’es-tu approprié Binette ? 

J’ai redéfini la mission pour qu’elle reflète ma vision personnelle. La mission initiale était plus axée sur la liberté et l’aventure, avec l’idée de « libérer les mains pour profiter de la vie ». C’est un aspect important que j’ai gardé, mais j’ai ajouté un axe fort : la lutte contre le gaspillage textile. Je souhaite que Binette contribue à réduire le gaspillage dans l’industrie, tout en conservant l’optimisme et la notion de plaisir. Aujourd’hui, notre mission est d’améliorer le quotidien avec des accessoires pratiques (comme notre produit phare, la banane), tout en luttant contre le gaspillage. 

Les valeurs restent proches de celles d’Alice, car nous étions alignées sur bien des points : le partage, l’optimisme, l’action et l’aventure. Le partage est essentiel pour moi car Binette, c’est aussi une communauté. L’optimisme est primordial, car même si les sujets du gaspillage et de l’impact environnemental sont souvent déprimants, il faut réussir à « garder la banane » ! L’aventure reflète la vie que je souhaite insuffler à cette marque, et c’est aussi un clin d’œil aux produits eux-mêmes, pensés pour l’aventure. 

Comment sont conçus les produits ? 

©Binette

Le produit phare de Binette, c’est la banane, qui représente environ 80 % des ventes. Ensuite, il y a les cabas, les pochettes, les porte-monnaies et les étuis à lunettes, qui se combinent bien avec la banane. Je lance aussi quelques nouveautés bientôt comme des bobs, et chaque produit est conçu dans une démarche de durabilité. 

Pour les matières premières, j’essaie d’aller toujours plus loin dans l’upcycling. A la base, les produits Binette étaient fabriqués avec des chutes de tissus – des fins de rouleaux industriels destinées à être jetées. Mais moi, je voulais aussi travailler avec des produits finis, destinés à être brûlés, pour les transformer et leur donner une seconde vie. C’est une branche plus technique, car il faut déconstruire des produits, faire de la découpe, ajouter des doublures et des fermetures, ce qui prend du temps et demande un savoir-faire particulier que j’ai réussi à trouver dans des ateliers en France. 

Je travaille avec un atelier en Tunisie et trois ateliers en France. Le premier atelier français est une entreprise adaptée, qui emploie des personnes en situation de handicap léger, et les deux autres sont des ESAT et des associations d’insertion. J’ai fait le choix de travailler avec des ateliers solidaires pour avoir un impact positif local, même si cela implique des contraintes de production. Par exemple, les personnes dans les ateliers d’insertion travaillent souvent moins d’heures dans la semaine, et le processus est parfois plus lent, mais cela correspond aux valeurs de Binette, donc je tiens à collaborer avec eux. 

Depuis que tu as repris Binette, comment cela se passe ? 

Honnêtement, c’est un vrai défi au quotidien. L’année dernière, j’ai réussi à atteindre, en seulement 10 mois, le même chiffre d’affaires qu’Alice sur 18 mois. Cette année, je vise même à doubler ce montant, bien que cela reste encore petit pour que je puisse me verser un salaire. Donc Binette se porte plutôt bien, mais c’est un travail de longue haleine, c’est certain. Je diversifie mes activités en faisant des interventions en école pour sensibiliser aux enjeux de la mode responsable. Cela me permet d’avoir d’autres sources de revenus pour une meilleure stabilité financière. 

©Binette

Tu as suivi le Master en Entrepreneuriat et Innovation, cela t’a inspiré ? 

Nous étions un petit groupe à Lille, à peine une vingtaine d’étudiants, mais tous passionnés par l’entrepreneuriat, et j’ai vraiment aimé cette année. C’était sans doute mon année préférée à l’IÉSEG. Nous avions beaucoup de cours qui nous ont plongés directement dans le bain de l’entrepreneuriat, notamment le programme CREENSO, dans lequel on accompagne des entrepreneurs sociaux pendant un an. Cela m’a permis de m’immerger pleinement dans l’entrepreneuriat social, et j’ai beaucoup appris. 

À l’IÉSEG, j’ai vraiment profité de toutes les opportunités. J’ai même créé une association axée sur l’écologie, « Act », qui existe encore aujourd’hui. En 2019, avec trois amis très engagés, nous avons réalisé qu’il manquait quelque chose à l’école pour sensibiliser et agir autour des enjeux environnementaux. C’était ma première expérience entrepreneuriale, et nous avons travaillé dur pour structurer et lancer cette association, en collaboration avec Maria Castillo, Directrice de l’Impact Social et Environnemental à l’IÉSEG. 

J’ai également pu faire une année de césure, avec six mois chez Impulso, une organisation du secteur social, puis six mois en Éthiopie dans une entreprise de textile éco-responsable. Tout cela m’a permis de toucher à différents aspects de l’entrepreneuriat social et de l’impact environnemental. Pendant ce master, j’ai aussi découvert l’incubateur de l’IÉSEG. Une fois que j’ai repris Binette, je me suis dit que ce serait une belle opportunité de l’intégrer.  

Qu’est-ce qui a été le plus gratifiant dans ton parcours avec Binette jusqu’à présent ? 

L’une de mes plus grandes fiertés a été d’avoir pu embaucher une alternante pendant un an, de pouvoir la rémunérer chaque mois, la former et lui offrir cette expérience. Je suis aussi fière d’avoir réussi à relocaliser une partie de la production en France et de sortir des produits 100 % designés par moi-même.  

Pour moi, le plus gros défi dans l’entrepreneuriat, c’est l’aspect financier. Il faut trouver l’équilibre pour que chaque produit reste abordable, tout en étant rentable. Ensuite, le sourcing est compliqué : trouver des tissus de qualité, à la fois jolis, abordables et en quantité suffisante, c’est difficile. Parfois, je tombe sur un super tissu mais il n’y en a que 6 mètres, alors je produis une série limitée, ce qui rend difficile la continuité. 

Enfin, il y a aussi le défi de l’upcycling sur mes propres produits. Parfois, un produit ne fonctionne pas tout de suite, alors il faut trouver comment l’améliorer, tout en restant créatif. J’essaie toujours de maintenir un équilibre entre la production, la création, et le développement de la marque….