Quand le soutien des initiatives RH améliore l’engagement et la performance des équipes
D’après un entretien avec Elise Marescaux au sujet de son article « Developmental HRM, employee well-being and performance: The moderating role of developing leadership », coécrit avec Sophie De Winne et Anneleen Forrier (European Management Review, 2018).
Les pratiques RH ont-elles un impact positif sur le bien-être et la performance des employés ? Une nouvelle étude menée par Elise Marescaux révèle que le soutien des supérieurs hiérarchiques peut décider de la réussite ou au contraire de l’échec des politiques de développement RH. Elle constate une corrélation entre le soutien apporté par les supérieurs hiérarchiques aux initiatives RH et le niveau d’implication et de productivité des employés.
Biographie
Elise Marescaux est professeure assistante en gestion des ressources humaines à l’IÉSEG School of Management depuis septembre 2015. Elle est titulaire d’un doctorat en économie d’entreprise de la KU Leuven en Belgique (2013). Ses travaux de recherche portent notamment sur la manière dont les entreprises peuvent avoir une influence positive sur leurs employés via la gestion des ressources humaines.
Méthodologie
Les chercheuses ont organisé une enquête pour mieux comprendre les stratégies de développement RH des entreprises et les attitudes des managers à leur égard, et évaluer leurs effets sur le bien-être et la performance des employés. Elles ont également demandé aux responsables d’équipe de noter la performance de leurs effectifs. 426 employés, répartis au sein de 70 équipes de 7 entreprises belges ont participé à cette étude. Volontairement très hétérogène, l’échantillon couvrait plusieurs secteurs d’activité, allant de l’hôpital au cabinet de conseil. Les données collectées ont été soumises à une analyse quantitative à partir d’un modèle d’équations structurelles qui a révélé que le bien-être des employés progresse lorsque les managers soutiennent les initiatives de développement RH et aident activement leurs collaborateurs à évoluer.
Les entreprises investissent massivement dans les pratiques RH pour doper la productivité de leurs équipes, et au final le chiffre d’affaires. Mais que savons-nous des effets positifs de ces pratiques sur l’amélioration du bien-être et de la performance des employés ? Très peu de choses en réalité. « Si certaines études démontrent que les pratiques RH diminuent le stress et renforcent l’implication et la performance, d’autres indiquent exactement le contraire », constate Elise Marescaux. Pour démêler le vrai du faux, la chercheuse a voulu comprendre ce qui se cachait derrière ces divergences étonnantes.
Les managers ont-ils une influence sur le succès des pratiques RH ?
Elise Marescaux et ses collègues avaient anticipé que les supérieurs devaient très certainement jouer un rôle important dans le succès des initiatives RH. Elles ont décidé de focaliser leur étude sur les initiatives de développement RH, destinées à aider les employés à enrichir leurs compétences pour leurs attributions actuelles ou futures, à travers la formation, les opportunités de promotion, l’orientation professionnelle et les évaluations de compétences. Certains managers font preuve d’une véritable expertise en matière de développement RH : ils accompagnent leurs employés grâce au coaching, les conseillent et les incitent à évoluer et à saisir les opportunités qui se présentent. Mais ce n’est pas le cas de tous. D’où cette question: « L’attitude des managers peut-elle soutenir ou au contraire miner les pratiques RH mises en place par l’organisation ? »
Le bien-être lié au degré d’implication et d’épuisement
Pour répondre à cette question, l’équipe de chercheuses a préparé une enquête visant à mieux comprendre les pratiques de développement RH de l’entreprise et les attitudes des managers à leur égard, ainsi que leurs effets sur le bien-être des employés. L’attention a été portée sur le degré d’engagement des employés vis-à-vis de leur entreprise. Un aspect qui semble être l’indicateur de bien-être qui influe le plus sur la performance. Les employés ont également été interrogés sur leur état de fatigue, souvent révélateur de leur niveau de stress. Les supérieurs hiérarchiques ont, de leur côté, été invités à commenter le comportement et la performance de leurs équipes.
Le succès des RH entre les mains des managers
« Globalement, nous avons observé que les pratiques de développement RH sont favorables au bien-être des employés », observe Elise Marescaux. « Plus une organisation offre de possibilités de formation et de développement personnel, plus ses employés sont impliqués et moins ils ressentent l’épuisement. Mais nous constatons également que les managers jouent un rôle clé dans le succès des processus RH ». L’étude a ainsi souligné que certaines pratiques, comme l’orientation professionnelle et les bilans de compétences, n’ont d’effet positif sur le bien-être que si elles sont soutenues par un responsable soucieux d’accompagner le développement. Sans cet appui, ces mesures seraient même plutôt néfastes sur le plan du bien-être. « Solliciter un conseil en orientation professionnelle ou une évaluation de compétences peut être source de stress si votre supérieur perçoit cette démarche comme une perte de temps et ne la prend pas au sérieux », explique Elise Marescaux.
En conclusion, l’étude réalisée par Elise Marescaux démontre que les pratiques RH ne sont viables et efficaces que si elles bénéficient du soutien actif des managers : « L’organisation peut avoir mis en place des protocoles et un système RH bien développés, offrant un grand potentiel, mais si les managers n’encouragent pas les employés à les utiliser, le retour sur investissement est minime », explique-t-elle. Les supérieurs hiérarchiques semblent donc être l’élément pivot : leur soutien est indispensable pour garantir l’efficacité des efforts RH.
Applications pratiques
Pour que les pratiques RH créent la valeur qu’on en attend, les organisations et leurs responsables doivent comprendre le rôle essentiel des managers. « Il est crucial d’impliquer les managers dans les décisions RH », insiste Elise Marescaux. « Il faut les former afin que les initiatives RH soient correctement déployées, de manière à garantir des retombées maximales pour l’organisation ». Pour ce faire, les services RH doivent échanger et communiquer avec ces managers et souligner l’importance de leur rôle. L’organisation pourra ainsi s’appuyer sur des “relais” motivés et compétents pour inciter les employés à exploiter au mieux les pratiques HR. Et d’ajouter : « Les employés doivent avoir la possibilité de solliciter le soutien de leurs managers pour tirer le meilleur parti des initiatives RH et développer l’éventail de leurs compétences ».
Une absence étonnante de corrélation entre bien-être et performance
Étonnamment, cette étude n’a pas révélé de lien de cause à effet évident entre progression du bien-être et performances des employés, sauf sur une facette du bien-être : l’engagement. L’étude a effectivement confirmé que les employés les plus engagés étaient ceux qui affichaient les meilleures performances. Mais étrangement, aucune corrélation évidente n’a été mise à jour entre le degré d’épuisement et la performance à court terme : « Sur le long terme, l’épuisement peut aboutir à des situations de burnout, et donc à un impact négatif évident sur les performances de l’organisation, mais nos résultats révèlent l’absence d’impact direct à court terme », observe Elise Marescaux.
« Developmental HRM, employee well-being and performance: The moderating role of developing leadership », coécrit avec Sophie De Winne et Anneleen Forrier (European Management Review, 2018).